Publié par : Sibylline | janvier 31, 2018

La station essence, une menace ? (île Maurice)

La station-service de Trois-Bras, à Rivière-Noire, a été construite sur une zone inondable et où aucun EIA n’a été demandé. Et l’eau apportée durant Berguitta avait de quoi faire peur.

31 Janvier 2018 (Xavier Maugueret). Les pluies des dernières semaines font craindre le pire en matière d’inondations. Si ces dernières affectent une station-service, cela pourrait s’averer grave en raison de la pollution.

Les stations-service n’ont pas besoin d’Environemental Impact Assesment (EIA) comme l’ont confirmé les collectivités locales à l’express. C’est le cas depuis 2006. Ce qui signifie qu’il n’y a plus d’étude sur l’impact environnemental que pourrait causer une station essence. Cela inclus celle de Trois-Bras qui, après les grosses pluies et le cyclone Berguitta, a vivement été inquiétée vu qu’elle est construite sur une zone inondable en 2015.

 «Il y a un véritable risque, surtout après la montée rapide des eaux qu’on a vécue à Rivière-Noire», raconte Soopaya Veerapen des Forces vives de Rivière-Noire. «À n’importe quel moment, les eaux peuvent monter et submerger la station et provoquer une pollution massive.»

Les habitants n’ont pas tort d’être inquiets. Le temps capricieux depuis le début de l’année a eu pour effet de montrer les limites de l’évacuation des eaux quand les drains ne sont pas nettoyés et que la capacité du pays à emmagasiner l’eau a diminué après la destruction du sol et de la flore.

À Grande-Rivière-Noire et à Trois-Bras, la rivière est entrée rapidement en crue après les grosses pluies qui se sont déversées durant la nuit du mercredi 17 au jeudi 18 janvier. L’eau s’est rapidement accumulée et a très vite submergé la route. La station-service elle-même aurait très bien pu être inon- dée. Ces pluies sont bien loin d’être ce que Maurice pourrait recevoir dans les mois, voire les années à venir avec l’intensification des évènements météorologiques.

La construction d’une station-service implique des travaux de fouille pour l’installation de réservoirs d’hydrocarbures. En cas de crue, les probabilités d’une contamination par ces mêmes hydrocarbures sont importantes. Le débit d’eau pourrait très rapidement transférer la pollution en mer. Ce qui pourrait contaminer une partie du littoral, sa faune et sa flore également.

Nous avons posé la question au ministère de l’Environnement quant à l’utilité d’un EIA pour les stations-service mais aucune réponse ne nous est parvenue jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse.

Conséquences lourdes

Les pollutions aux hydrocarbures sont difficiles à nettoyer et leur impact se fait sentir pendant des décennies. Que ce soit l’essence, le kérosène ou, pire, l’huile lourde.

En juin 2016, le pays échappe au pire lorsque le MV Benita s’échoue au Bouchon. Même si le vraquier était relativement vide, les dégâts ont été conséquents. Ils se font encore sentir aujourd’hui. Il a fallu redoubler d’efforts pour nettoyer les taches d’hydrocarbures laissées par le vraquier libérien. Aujourd’hui encore, il est déconseillé de pêcher dans le lagon du Bouchon, comme l’ont affirmé les pêcheurs fin décembre.

Depuis presque deux ans, un autre projet du gouvernement inquiète les habitants de l’Ouest et surtout ceux d’Albion : celui du Petroleum Hub et du bunkering. Depuis début janvier, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le chair- man de la Mauritius Ports Authority (MPA), Ramalingum Mestry, ainsi que le minstre du Commerce, Ashit Gungah, font pression, dans plusieurs de leurs discours, pour que ce projet aboutisse. Pravind Jugnauth lui-même lançait dans son discours, à l’ouverture de la Maritime Week de la MPA mercredi dernier, que «mon gouvernement vient de l’avant, avec l’aide du gouvernement indien, pour la construction d’un oïl jetty à Albion».

Cela, au grand dam de plusieurs groupes comme le Kolektif Say No To Petroleum Hub et Protez later Nou Zenfan. Les citoyens sont persuadés que ce développement peut se faire autrement, sans mettre à risque toute la côte ouest du pays. Ils avancent qu’une affluence de navires pétroliers dans la région constitue un risque pour toute la côte en cas d’accident. Et citent les exemples de marées noires dans le monde. À commencer par le dernier en date en Mer de Chine, qui dure depuis le 7 janvier. Cela concerne Le Sanchi, un pé- trolier iranien, qui est entré en collision avec un cargo. Le pétrolier a brûlé pendant plus d’une semaine et a sombré le 14 janvier. Depuis, l’épave déverse en Mer de Chine sa cargaison d’hydrocarbures qui s’étendait, au lundi 22 janvier, sur plus de 332 km2 selon l’Agence France Presse (AFP).

Les protestataires de l’Ouest n’ont pas encore baissé les bras, malgré le mur de silence gouver- nemental auquel ils sont confrontés.

Accidents marquants

D’autres exemples parlants d’accidents ont eu lieu par le passé : l’Amoco Cadiz en 1978, supertanker libérien qui, après avoir sombré, déverse 227 000 tonnes de pétrole brut qui vont souiller 400 km de côtes dans le nord-ouest de la France. Toujours en France, l’Erika en 1999 souille la même région et la même surface avec un effet dévastateur sur la population d’oiseaux marins : plus de 150 000 spécimens meurent des effets de la marée noire. Plus récemment, en 2010, une explosion sur Deepwater, la plateforme pétrolière de British Petroleum (BP) dans le Golfe du Mexique, fait 11 morts et déverse 600 000 tonnes de pétrole brut dans la mer.

Ndlr Sibylline : plus d’informations

L’épineux problème du Petroleum Hub à Albion (lien)

Kolektif Say No To Petroleum Hub (lien)

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