Publié par : Sibylline | décembre 26, 2012

Réchauffement climatique : l’Antarctique aussi

Photo Jean Jouzel

Photo Jean Jouzel

26 décembre 2012 (Jean-Denis Renard). Les données reconstituées pour l’ouest du continent font apparaître une hausse de 2,4 °C en 50 ans

Publiée dans la revue « Nature Geoscience », une étude américaine démontre que la partie occidentale du continent antarctique (côté Amérique du Sud) se réchauffe deux fois plus vite que ce que laissaient croire les calculs antérieurs. La hausse de la température y atteint 2,4 °C depuis 1958. Analyse avec le glaciologue et climatologue français Jean Jouzel, dont les travaux sur les glaces de l’Antarctique font autorité.

Sud Ouest. Comment peut-on expliquer l’amplitude du réchauffement de l’Antarctique de l’Ouest ?

Jean Jouzel. On dispose d’explications à peu près établies pour l’accélération du réchauffement sur les glaces du Groenland. On sait que le réchauffement y est amplifié par la diminution des surfaces enneigées et englacées, qui renvoient le rayonnement solaire. On est plus circonspect sur les causes du phénomène dans l’Antarctique. Il faut probablement considérer les effets du réchauffement de l’océan, qui provoque la dislocation de plates-formes de glace très importantes (NDLR : une plate-forme est une banquise de mer sur laquelle se sont développés des glaciers d’eau douce), comme la plate-forme de Larsen, qui avait la taille d’un département français.

Quel est le fait nouveau révélé par l’étude publiée dans « Nature Geoscience » ?

Il faut la ramener au contexte du dernier rapport du Giec (NDLR : du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), publié en 2007. On disposait de données fiables démontrant le réchauffement de toutes les grandes régions du monde, sauf l’Antarctique. À l’époque, on n’était pas encore parvenu à reconstituer ces données. Les climatosceptiques s’étaient rués sur le sujet pour mettre en doute l’existence du réchauffement global.

Quelles sont les conséquences du réchauffement antarctique ?

Le grand débat du nouveau rapport du Giec portera sur l’élévation du niveau des océans. L’accélération de la contribution du Groenland et de l’Antarctique à ce phénomène fait l’objet de nombreuses études. Au sud, le problème n’est pas tant la fonte des glaces que leur écoulement dans l’océan. Les plates-formes jouent un rôle de frein contre l’avancée des glaces qui viennent de l’intérieur du continent. Si elles se désintègrent, le frein disparaît.

Le rapport 2007 du Giec parlait d’une hausse des océans comprise entre 18 et 59 centimètres d’ici à 2100. Cette fourchette sera-t-elle corrigée ?

Des études anticipent une hausse de l’ordre de 1 mètre, ce qui n’est plus du tout la même chose. Songez aux conséquences à New York d’un cyclone comme Sandy si l’océan est plus haut de 50 centimètres, voire de 1 mètre. Dans le sujet très complexe du réchauffement, c’est sans doute un message facile à faire comprendre. Mon inquiétude ne se limite pas au XXIe siècle. On sait qu’il y a 125 000 ans le climat était plus chaud de 2 à 3 degrés, et le niveau de la mer était supérieur de 6 mètres à ce qu’il est aujourd’hui. Même si l’on parvient à stabiliser le climat, l’inertie océanique va continuer à faire monter le niveau des eaux pendant des siècles. Ce problème a une dimension éthique, car il touche des populations très vulnérables. Chaque année, des millions de gens supplémentaires sont concernés.

Source


Catégories