
Les prévenus ont mis en avant la difficulté d’appliquer les textes avec des animaux qui peuvent parfois se rapprocher d’eux-mêmes (© Mata Tohora)
Mardi 2 Mai 2017 (F. C.). Pour la première fois en Polynésie, et même sur l’ensemble du territoire français, des personnes se sont retrouvées, hier, à la barre du tribunal correctionnel pour avoir approché des baleines à bosse sans respecter les règles éditées localement dans le code de l’environnement.
Un signal fort envoyé par la justice : après des années de prévention et de sensibilisation, l’heure de la répression semble avoir sonné.
“Ils ont été poursuivis dans une optique pédagogique, mais ce genre de procédures va se multiplier”, a expliqué d’emblée le procureur, heureux de “permettre un dialogue entre les différents acteurs” qui se retrouvent à observer les baleines à plus ou moins bonne distance.
Un dialogue qu’entretient l’association Mata Tohora, mandatée par la direction de l’environnement, pour assurer la protection des cétacés en Polynésie et sensibiliser professionnels et particuliers à une approche respectueuse des mammifères marins.
Agnès Benet, sa présidente, s’est retrouvée bien seule hier au tribunal face aux avocats des cinq prévenus entendus dans deux dossiers distincts.
“Je suis biologiste marine, pas juriste”, s’est-elle défendue face aux demandes de nullité soulevées par les avocats du gérant d’une pension de famille, d’un photographe amateur et de prestataires de services exerçant dans la plongée sous-marine et le whale-watching.
Ndlr Sibylline : il fallait nous contacter, on l’aurait dirigé vers un avocat cador de l’environnement 😉
Avant de se retrouver devant le tribunal, les agissements des prévenus n’ont pas fait l’objet d’un procès-verbal par un agent assermenté, mais d’une lettre de signalement de l’association. Un motif suffisant, selon les avocats, pour demander la nullité de ces convocations devant les juges.
Des textes flous
Les défenseurs des prévenus ne manquaient pas de munitions pour obtenir la relaxe de leurs clients. Les textes du code de l’environnement sont déjà assez flous.
“Comment faire un texte de dix pages pour ne rien dire ? Comme cela”, explique un avocat en brandissant les lois encadrant l’approche des baleines.
Difficile également de se faire une opinion sur la légalité ou non d’une approche sur une simple photographie, la baleine ayant pu se rapprocher d’elle-même de l’embarcation.
“Pour la sécurité des plongeurs, le bateau d’un club de plongée ne doit pas s’éloigner à plus de 100 mètres de ses clients. Pour respecter les baleines, un bateau ne doit pas s’approcher à moins de 100 mètres du mammifère”, souligne un avocat pour démontrer l’incongruité des textes.
Dans les deux affaires, le procureur demande à ce que les prévenus soient condamnés mais dispensés de peines. Sur les cinq prévenus, trois seront relaxés et deux condamnés mais dispensés de peine.
La portée pédagogique de ces procès démontre ainsi qu’une approche irrespectueuse peut conduire à une condamnation, mais qu’en l’attente du toilettage du texte et de la présence d’agents assermentés sur l’eau, le travail de sensibilisation mené par l’association Mata Tohora avec ses faibles moyens n’aura qu’une portée limitée auprès de ceux qui connaissent les règles mais s’en affranchissent délibérément.
Ndlr Sibylline : rappelons que ces comportements ont déjà tué des animaux, sur l’île de la Réunion et en Polynésie, en séparant les mères de leurs veaux. Il s’agit d’une destruction d’espèces protégées, au sens pénal du terme.